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Je ne suis pas un adepte de la chaussure minimaliste pour n’importe quel coureur, et je la recommanderai encore moins à tous mes patients. Pour autant, je ne suis pas contre l’idée d’adopter ce type de chaussures, et je ne serai jamais dans l’interdiction formelle pour les patients qui ne voudraient pas « écouter » mes recommandations.
Certains patients viennent au cabinet en se demandant si cette pratique serait bonne pour eux, s’il y’a des risques, quel serait le meilleur moyen de passer au minmalisme, ou bien encore quelles sont les particularités de la chaussure minimaliste. C’est pour cela que je m’intéresse de plus en plus près à l’étude de ces chaussures, en essayant de les comparer objectivement avec des chaussures de course « normales ».Aussi je me base sur une étude menée par Paul Langer (DPM), pour vous donner quelques notions pour choisir une de ces chaussures.
Tout d’abord, comme n’importe quelle chaussure, le patient est amené à se poser la question de la compatibilité avec son type de pied. La plupart du temps (et on le regrette) les chaussures minimalistes sont disponibles en largeur moyenne, excluant une majorité de nos patients dont les pieds sont plus étroits ou à l’inverse plus larges. Ensuite, il faut savoir si la chaussure minimaliste sera à même de conserver voire d’améliorer les capacités de foulée et d’absorption des chocs du coureur en question.
Quelques étapes vous sont donnés ici afin de choisir les chaussures minimalistes qui me paraissent les plus en adéquation avec les conseils que je donne en consultation.
Préambule : Malgré le fait que les marques de chaussures de running aient passé les 40 à 50 dernières années à défendre les vertus des technologies amortissantes et stabilisantes, plusieurs d’entre elles changent de son de cloche et voudraient faire en sorte que le client sache qu’elles sont maintenant axées sur le coté « barefoot », et ce en outrepassant leur discours concernant le fait que l’amorti préviendrait les blessures et que leur technologie médiane du pied guiderait le pied durant la course. D’une certaine manière, leur nouvelle façon de penser se résumerait à « moins c’est mieux ».
Plusieurs nouvelles compagnies ont émergé de cette pensée, comme Altra ou Vibram. Plusieurs autres sont rentrées dans le secteur en proposant ce genre de produits, Brooks, New Balance, Asics, Adidas en font partie. Enfin, Saucony a été assez révolutionnaire dans son approche, incluant dans sa gamme les minimalistes et en diminuant la hauteur du talon de presque tous ses modèles. Cependant, ce boom des chaussures qui tendent à réduire l’impact de l’amorti et donc la taille du talon ne date pas d’aujourd’hui. Des compagnies comme Adidas avec des gammes telles que « Feet you wear » de la fin des années 90 ont déjà connu la commercialisation, sans grand succès cependant. Depuis ces temps ci la gamme de chaussures minimalistes a été disponible à la vente, et c’est sans véritable raison apparente que la médiatisation de celle ci s’est faite. Et du fait de cette « envolée » récente, le poids des chaussures traditionnelles et leur épaisseur ont considérablement baissé.
Mais qu’est ce que signifie minimaliste ? En fait, cela dépend vraiment de votre interlocuteur, parce qu’il n’y a pas de critère précis qui définisse formellement une chaussures minimaliste. Les marques semblent établir leurs propres critères, et s’accordent à dire qu’il y’a « moins de tout ». Autrement dit : moins de poids, moins d’amorti et une structure moins importante qu’une chaussure conventionnelle.
Elles sont donc légères, flexibles, et moins restrictives du mouvement du pied. En recherchant sur internet, on s’aperçoit que les chaussures minimalistes varieraient entre 2.2 oz (soit 63g) et 9.9 oz (soit environ 280 g), et que l’épaisseur de la semelle varierait entre 4 et 20 mm. Certains modèles comme les Vibram ou Minimus Trail (NB) n’ont pas d’amorti médian ou de système de support du pied.
D’autres ont une semelle plus fine que les chaussures conventionnelles, et un peu moins hautes au niveau du talon (baisse du « drop »), comme les Altra ou les Minimus 10 (NB). Enfin, certaines chaussures ont un systeme de maintien/stabilité comme les Mirage 3(Saucony) ou les PureCadence (Brooks).
Est ce que les chaussures minimalistes favorisent une course plus « naturelle » ?
Beaucoup de défenseurs de ce courant vous clameront que oui et utilisent ce terme pour distinguer les différents mouvements faits lors de la course chaussée ou pieds nus. La différence la plus évidente est que 80 à 90% des coureurs chaussés attaquent leur course avec le talon, alors que les coureurs pieds nus n’atterrissent pas sur le talon. On note également d’autres différences dans la démarche, à savoir : une foulée plus petite, un genou plus fléchi au contact du sol et une cadence plus importante. De plus il est souvent souligné que ce courant s’inscrit dans une protection du coureur qui les porte, en terme de risques de blessure.
La recherche a prouvé que courir pieds nus ou avec certains modèles minimalistes comme la Five Fingers , induit une position moins en dorsiflexion du pied lors du contact au sol et la diminution de la longueur de la foulée, et par conséquent l’attaque du talon. On constate également durant le temps de suspension un genou plus bas et plus fléchi. Les études ont démontré un lien entre le fait d’éviter l’attaque du talon et la réduction de l’impact des charges au sol, Ce serait selon toute vraisemblance un facteur de diminution des risques de blessure. Mais il n’y aucune étude qui valide cette dernière hypothèse. Cependant, tout en protégeant les charges au niveau des articulations subjacentes au pied, on augmente le travail excentrique du mollet sur des chaussures « à plat ». La question qui se pose donc à nous : Est ce la chaussure ou le changement de manière de courir qui est le plus important ?
La pertience du phénomène « Zero Drop »
Evoquée plus haut, le « zero drop » renvoie à la relation entre la hauteur du talon et celle de l’avant de la chaussure. Sur les chaussures conventionnelles on a un différentiel de « two-to-one » avec un talon environ 1 cm plus haut (voire plus) que l’avant de la chaussure. Il y’a une véritable variance de ce différentiel suivant les modèles minimalistes. On appellera zero drop une chaussure construite à plat, sans différence entre l’avant et le talon de la chaussure.
Le marketing des constructeurs de chaussure avance qu’une diminution de la hauteur du talon ainsi qu’une diminution des charges au niveau du genou, une attaque au niveau du tarse sont plus « naturels » et plus confortable. Gardons nous de croire cela.
Kerrigan et ses collaborateurs ont montré que les charges au niveau du genou sont plus importantes lorsque le talon est haut et proposent une théorie sur un effet de réducteur de douleur « pseudo-neuropathique » des talons amortissants. L’attaque du talon n’est pas à proprement parler coupable de pathologies lorsqu’on court mais on peut supposer que combinée à une foulée plus longue et à un genou plus en extension lors du contact du pied au sol elle contribue à une augmentation des charges au niveau du membre inférieur. Bien qu’il diminue les forces sur les genoux, ce changement ne protège pas automatiquement le coureur des blessures. Il réduit les charges sur les membres d’un coté, mais l’augmente de l’autre.
Que cache la réduction de l’amortissement ?
L’évolution de la chaussure amortissante s’est faite entre les années 70 et 2000. Cette « mode » s’est répandue autour du concept de la recherche du confort par l’amortissement. Les matériaux utilisés pour la semelle ainsi que l’élévation du drop ont provoqué des adaptations au niveau de la course.
La réduction de l’amorti selon les « constructeurs » serait à l’origine d’une attaque plus « naturelle » du pas, et favoriserait la proprioceptoon. D’un point de vue scientifique, il a démontré plusieurs choses concernant l’amorti :
- Il réduit l’impact des chocs au sol et les pressions plantaires
- Il facilite la pronation et a donc un effet néfaste sur l’équilibre.
Les stratégies de coordination neuromusculaire et le tonus du membre inférieur sont donc affectés par la capacité d’amortissement des chaussures. Dans une étude Nigg et co ont analysé les chaussures comme des filtres, notamment sur la sensation de pose du pied au sol. Une façon très simple de décrire les différences entre les chaussures conventionnelles et les minimalistes c’est d’observer leurs différences en tant que filtre.
Comme chacun des coureurs ne fonctionnent pas de la même manière, biomécaniquement parlant, la question qu’on peut se poser est : dans quelle mesure l’amortissement (ou le filtre) est trop important ou trop faible pour chacun des individus ? Tous les fabricants de chaussures ne devraient pas clamer que leur propre design est optimal en terme d’équilibre, de façon de courir et d’équilibre. Quand à la proprioception, il est clair que les chaussures minimalistes ne favorisent pas la proprioception. Evidemment, la diminution de la hauteur de l’amorti permettra d’avoir moins d’effet négatif sur la proprioception mais ne l’améliorera pas pour autant.
Que recommander aux coureurs qui voudraient passer au minimalisme ?
Les questions que les patients nous posent le plus généralement sont les mêmes que pour les chaussures conventionnelles :
- Quelle est la meilleure chaussure pour moi ?
- Vais je me blesser lorsque je vais passer au minimalisme ?
- Est ce que le fait de passer au minimalisme me permettra de gérer des blessures récurrentes et/ou chroniques ?
J’insiste souvent auprès de mes patients coureurs sur le fait que les chaussures minimalistes n’effacent pas par magie les forces d’impact au sol ou même le risque de blessure. Les chaussures minimalistes produisent un changement de foulée qui peut être favorable, mais ce changement peut augmenter le risque de nouvelles blessures pour ceux dont la transition sera trop rapide, ou bien ceux dont la force et la souplesse seront trop faibles pour faire la transition. Les forces d’impact ne disparaissent pas, elles sont redistribuées. Alors que les charges au niveau des hanches et des genoux peuvent être réduites, la charge excentrique sur le triceps sural (mollet) et les forces de torsion au niveau des métatarses augmentent. Si les coureurs n’ont pas pris le temps de faire une transition convenable et qu’ils ne sont pas préparés à ce genre de contraintes, ils seront susceptibles de se blesser.
En ce qui me concerne, alors que certaines individualités peuvent être capables d’utiliser exclusivement les chaussures minimalistes, je pense que la plupart des coureurs pourrait les utiliser comme un outil d’entrainement parmi leur « panoplie » de chaussures.
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